[CABEE Fiche n°6] Renouveler son regard sur la relation bâtiment-usager

Article écrit le 15/07/2015 par Cynthia Vasiliu , catégorie Ressources

12-04-03_CABEE-logo-grL’usage s’impose comme nouvel objet d’étude

Comme il a été évoqué dans l’axe « Faire un pas de côté », le milieu du bâtiment a historiquement étudié un objet technique dont l’humain était peu présent, ou en tous cas où ce paramètre humain était réputé peu variable, et peu influant sur le résultat final.

De fait, les bâtiments performants devenant de plus en plus intolérants aux écarts entre l’usage prévu et l’usage réel, la notion de « bâtiment performant » gagnerait à être apposée systématiquement de la mention « en exploitation ».

Concrètement, l’usage était jusqu’alors intégré comme un paramètre relativement figé de la conception, à travers des scénarios conventionnels. Aujourd’hui, il devient un élément organique, et dont on peut être certain qu’il ne sera pas comme on l’a prévu.

Objet incontournable de la conception et de la vie du bâtiment, la relation usager-bâtiment devient pleinement opérationnelle et vivante sous certaines conditions.

Favoriser la relation en investissant l’ergonomie

Rien n’est plus frustrant, lorsqu’on souhaite entrer en relation avec quelqu’un, de simplement constater que c’est trop difficile : « le téléphone ne répond pas, j’ai 5 adresses mais pas la bonne, et quand quelqu’un répond… c’est pour me dire que je ne suis pas au bon endroit ! »

Ainsi, on ne peut espérer créer une relation constructive entre l’usager et son bâtiment si « l’interface homme-machine » n’est pas limpide. Force est de constater qu’aujourd’hui, on installe depuis 20 ans les mêmes boîtiers de contrôle de ventilation et chauffage dans les bureaux, et rares sont ceux qui savent s’en servir ou qui ont la patience de trouver et comprendre le mode d’emploi.

Comment espérer encourager l’usager à maintenir la fraîcheur dans ses locaux si les volets se pilotent avec 1 télécommande située dans le bureau voisin1 ? L’ergonomie, si elle est parfois appliquée à certains systèmes partiels, n’est hélas pas développée au niveau général de l’usage du bâtiment.

Construire la relation en s’appuyant sur le vécu

Une relation, cela se construit, et cela prend du temps : le temps de l’apprentissage, de l’écoute de soi et de l’autre. Cette période ne peut pas se simuler : elle doit se vivre. Or aujourd’hui, elle n’existe pas dans les processus de la construction : le bâtiment est réputé être « parfaitement achevé », et l’usager « avoir compris ». C’est oublier qu’en termes d’usage et de confort, il s’agit avant tout de se construire un vécu, d’expérimenter et de capitaliser sur l’expérience, en lien avec un véritable ressenti : pour « comprendre » la manière de gérer les surchauffes, je dois l’avoir expérimenté.

C’est ainsi que cela se passe dans les logements, où chacun a appris en observant ses parents fermer les volets les jours de grande chaleur… ou encore, en reprenant une métaphore automobile, il y a une nécessaire période de rodage, de mise en place du vécu et de tous les réseaux de communication qui vont autour.

Reconnaître et encourager le rôle des « experts d’usage »

L’usager n’est que fort rarement reconnu expert de l’usage de son bâtiment. C’est pourtant lui qui, quotidiennement, s’ajuste, trouve des « recettes » qui fonctionnent dans son bâtiment. Cela se fait de manière permanente, consciemment ou pas. Le projet CABEE a permis de constater combien ces stratégies d’ajustement2 sont très largement répandues, et compensent les éventuels autres dysfonctionnements.

Mais pour que le résultat soit probant, il est important de reconnaître ce rôle d’expert de l’usage et de s’appuyer dessus. A plusieurs reprises, nous avons pu constater que les témoignages des usagers d’un bâtiment mystérieusement dysfonctionnel auraient pu permettre de résoudre les problèmes depuis longtemps, s’ils avaient été entendus et analysés pour ce qu’il sont : des remontées d’informations riches et variées sur le fonctionnement du bâtiment. Alors, l’instauration du « double-flux relationnel » prend toute son importance3.

Les 4 idées à retenir

  1. Il est essentiel de voir l’usage comme un élément organique, nouvel objet d’étude

  2. Importance de miser sur l’ergonomie pour favoriser la relation bâtiment-usager

  3. Nécessité de vivre, d’expérimenter, de construire un vécu en lien avec le bâtiment

  4. S’appuyer sur les experts d’usage pour un meilleur fonctionnement du bâtiment

1 C’est le cas par exemple dans un bâtiment d’une collectivité, où les volets sont regroupés sur des pans de mur couvrant plusieurs bureaux.

2 Orientation d’un bureau, ajout d’un « soufflant » électrique à air chaud sous un bureau au grand dam de l’exploitant, usage systématique des modes « forcés » sur la ventilation, etc.

3 Voir à ce sujet l‘article Vie to B.

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