Les conditions de la performance : étude sociologique

Article écrit le 27/05/2013 par Cynthia Vasiliu , catégorie Ressources

Une étude sociologique a récemment été publiée sur « Les conditions sociales et organisationnelles d’une performance énergétique in vivo dans les bâtiments neufs »

Cette étude, conduite par le sociologue Gaëtan Brisepierre, a été présentée lors des 2mes Assises de l’habitat Leroy Merlin. Elle est téléchargeable à cette adresse.

Voilà les résultats en 12 points issus de cette approche :

  • Les surconsommations ne sont pas exclusivement imputables à l’étape des usages car la performance in vivo se joue dès la production des BBC, dans la définition d’objectifs énergétiques plus ou moins ambitieux, dans les compromis avec les autres exigences au moment de la conception, et dans les défaillances du contrôle du chantier.
  • La concrétisation de la performance conventionnelle demande une forte capacité d’adaptation des occupants qui n’en ont pas tous la motivation, ni les moyens. On distingue ainsi plusieurs profils : des plus «engagés» qui s’approprient l’objectif, en passant par les «accommodés» qui y trouvent leur compte, jusqu’aux plus «réservés» qui vivent l’inconfort thermique.
  • La performance énergétique n’est jamais un critère premier dans l’achat d’un logement BBC qui renvoie à des logiques beaucoup plus structurelles liées à la localisation et au type d’habitat. Le niveau de performance reste flou mais son surcoût est compensé par le contexte immobilier voire supplanté par les dispositifs fiscaux.
  • L’acceptabilité du confort thermique en BBC repose sur deux piliers. Au niveau individuel, un processus d’accommodation qui passe par une métamorphose des habitudes vestimentaires et d’utilisation du chauffage. Au niveau organisationnel, des marges de manœuvre pour négocier les conditions de confort et notamment la température de consigne.
  • Un niveau de contrainte trop élevé sur le confort thermique ne favorise pas la maîtrise des USE qui est l’enjeu principal. Les occupants compensent l’inconfort thermique par des appoints invisibles mais énergivores (convecteurs, ventilateurs…). Les conflits voire la stigmatisation qui en résultent interdisent alors une dynamique collective de maîtrise des USE.
  • Les occupants n’appliquent jamais à la lettre les consignes des concepteurs, ils inventent leur propre façon d’habiter le BBC. Pour rallier les habitants aux objectifs des concepteurs, il ne sert à rien de leur expliquer comment vivre, il faut leur donner le sens des choix de conception, afin de les aider à inventer des tactiques de compromis avec leurs besoins.
  • L’objectif énergétique des concepteurs est brouillé par l’intervention de multiples prescripteurs auprès des habitants. Du promoteur qui fait deschoix contradictoires (sèche-serviettes, baignoire) au cuisiniste qui outrepasse le branchement solaire,en passant par l’électricien qui déconseille le coupe-veille
  • L’installation d’un dispositif technique ne suffit pas à lui seul pour générer le comportement économe attendu chez les habitants. Ces systèmes inédits (automatisme, coupe-veille, aérateur…) sont trop souvent parachutés sans plus d’explications provoquant le désintérêt, la résistance, le contournement…
  • L’accompagnement des habitants est rarement satisfaisant car limité à la livraison et trop simplificateur. Il faut viser une appropriation collective du bâtimentpar un véritable passage de témoins entre concepteurs, gestionnaires, et occupants, ce qui prend du temps, demande des échanges en face à face et passe par une acculturation mutuelle.
  • Un BBC n’est pas performant tout de suite car plusieurs années sont nécessaires pour trouver les équilibres entre confort et performance. Avant cela,les occupants ont besoin de s’acclimater, des malfaçons sont à reprendre, les réglages peuvent être optimisés, et dans l’idéal une maintenance préventive doit être mise en place.
  • La maintenance est aussi un levier d’implication des occupants vis-à-vis de la performance énergétique. Sa monopolisation par les professionnels est coûteuse et ne donne pas satisfaction ; il reste à inventer des modèles économiques tenant comptedes pratiques profanes de maintenance des équipements à l’intérieur des logements par les habitants.
  • L’information des occupants sur leur consommation doit être intégrée dès la conception car elle suppose l’installation de compteurs pour distinguer les postes. Les campagnes de mesure pourraient être complétées et systématisées la première année pour favoriser les interactions entre professionnels mais aussi avec les habitants.

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