L’humain au coeur du changement

Article écrit le 20/02/2016 par Cynthia Vasiliu , catégorie Ressources

VADL’association Ville et Aménagement Durable a organisé une table ronde le 14 décembre 2015 dont le thème était « L’humain au cœur du changement »1. J’ai été nourri par les échanges des 5 intervenants, composés à la fois de réflexions globales et d’expériences concrètes inspirantes et re-motivantes. J’ai donc choisi d’en retranscrire une partie dans ces Échos.

Chris Younès, philosophe

Voici quelques points clés partagés par cette oratrice inspirante2.

Elle a commencé par expliquer que notre système de pensée actuel trouve notamment sa source au XVIIème siecle, sous l’inspiration de Descartes : l’humain contrôle, l’humain construit. Il domine la nature, et en a une faible connaissance. Or, nous approchons d’un « tournant immersif », c’est à dire que nous commençons à véritablement prendre en compte notre milieu (l’environnement). Où l’Homme sort du dualisme nature / culture, intègre l’interdépendance avec les autres vivants, active sa capacité d’être en symbiose (Gilles Clément fait appel à l’homme symbiotique). Il tend à (re?)trouver une harmonie avec son milieu.

La philosophe a poursuivi en soulignant les formidables ressources humaines actuelles : les nouvelles pratiques émergentes (bottom up) sont très puissantes : expériences collectives d’habitat groupé, jardins collectifs, auto production, etc. Ces ressources proviennent actuellement du milieu cultivé dans l’intention de prendre en main son destin. Il s’agit de co-construire sans aller vers du communautarisme limité, mais vers des collectifs ouverts à l’altérité. Décloisonner les milieux.

Bernard Blanc – Bailleur social Aquitanis (Bordeaux)3

Bernard Blanc est directeur depuis 2008 de l’organisme de bailleur social bordelais Aquitanis (60 000 locataires)

Il illustre la posture historique de cette organisation centenaire par une citation :

« Le rôle éducatif de l’architecte, c’est d’apprendre aux gens à habiter. Ils ne savent pas » (Marcel Lods, 1930).

Mais lui, il voudrait plutôt aller vers ça :

« N’oublions pas que le bâtiment est bête, c’est l’utilisateur qui est intelligent ». (Alain Bornarel).

Il entend accompagner le changement de raison d’être et de métier du bailleur social, pour aller de « loger les populations » à « habiter les lieux ». c’est à dire prendre en considération les multiples facettes de l’habiter : sensible, relationnelle, économique, etc.

C’est donc une véritable mutation génétique « du dinosaure vers le colibri »4 que le directeur ambitionne. Ce qui implique de fabriquer de nouveaux repères, créer de nouvelles valeurs. D’abord, il est allé à fond dans la démarche de Responsabilité Sociale des Entreprises5 : Aquitanis est maintenant certifiée ISO 26000 niveau confirmé. Les métiers ont été décloisonnés pour passer en mode projet : collaboration des 3 métiers principaux (Aménager, Construire, Gérer) tout au long des projets immobiliers.

Plusieurs projets / axes de développement très inspirants :

  • Résidence inter-générationnelle, pour recréer des relations entre les populations : 50 % sont des jeunes ménages avec enfant, 50 % sont des séniors. L’autre point remarquable, c’est la création de jardins partagés : 3 niveaux de jardin différent, plus ou moins proche du lieu de vie. Article.

  • Agriculture urbaine. Aquitanis s’investit sur les fermes urbaines à Bordeaux. En cours : un voyage d’étude en Europe avec les locataires pour visiter des fermes urbaines. Article.

  • Conception participative des logements. L’organisme accompagne ainsi un phénomène sociétal : le désir de la population à participer à la conception / gestion de son lieu de vie. Ils ont testé à plusieurs reprises de dessiner les cloisons des logements sociaux avec les futurs locataires. Devant le succès de ces démarches, ils comptent passer toutes leurs productions de logements dans ce mode de concertation ! Plus d’info.

  • Habitat évolutif. Par ailleurs, Aquitanis travaille sur la notion d’habitat évolutif, et laisse des espaces aménageables (type combles et parking) pour les Tanguy et les Tatie Danielle qui se présenteraient dans le foyer. Ils attribuent ainsi des plateaux totalement ouverts et évolutifs de 80m². potager

Cédric Van Styvendael – Bailleur social Est Métropole Habitat (Lyon)

Cédric Van Styvendael est le récent directeur de cet organisme qui compte 300 collaborateurs et gère 14 000 logements sur l’Est lyonnais. Il souhaite impulser le changement pour penser différemment les politiques publiques de l’habitat. C’est d’après lui un changement de métier du bailleur qui doit devenir : « proposer aux habitants une expérience sensible et positive ; créer de l’habiter ».

Autrement dit, il souhaite reconstruire une histoire positive entre les habitants et avec le bailleur ; insuffler un projet culturel participatif sur le long terme.

2 exemples d’actions parmi les projets évoqués :

  • Projets artistiques pour accompagner les réhabilitations : cette vidéo (5min) touchante a été diffusée. Une foule de bonnes idées

  • Coopérative d’achat : des commandes groupées entre voisins, ça fonctionne pour rétablir les liens sociaux ! Une association (« Vrac ») a été créée, portée notamment par le bailleur, pour proposer des produits de qualité à bas coût. Cf article de rue89 Lyon sur le dealer de zit zitoun.

Plus d’infos sur l’innovation sociale de ce bailleur sur cette vidéo.

Pour conclure

Je n’ai pas d’intérêt personnel à parler de ces initiatives : je souhaite simplement leur tirer mon chapeau. La mutation de ces grandes organisations est très encourageante. Ces expériences vont dans le sens d’un décloisonnement des sphères techniques, sociales et même artistiques, pour la prise en compte authentique de l’habitant.e dans toutes ses facettes, de son expertise et de ses besoins.

2-Je prends le risque d’éventuelles déformations…

3-Support de présentation de Bernard Blanc

4-Selon l’inspiration de la légende du colibri et de la pensée de Pierre Rabhi. Le directeur souhaite d’ailleurs le rapprochement avec le mouvement des villes et territoires en transition.

5-Clin d’oeil à l’activité historique de Vie to B => newsletter de fin 2012

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